
Lettre de Francis MILLET à Alfred PARSONS (1ère page).
Extrait du livre "TITANIC Des vies dorées"
Cher Alfred,
J'ai eu la tienne [ta lettre] ce matin et je suis ravi d'avoir de tes nouvelles. Je croyais t'avoir dit que mon navire était le Titanic. Il ne lui manque que des théâtres
et des taxis. Table d'hôte, restaurant à la carte, gymnase, bains turcs, court de squash, Palm Gardens, fumoir pour messieurs et pour dames dans l'intention, j'imagine, d'éviter que celles-ci n'occupent
les fumoirs des hommes qu'elles infestent sur les paquebots français et allemands. Les installations sont dignes de Haddon Hall et de conception extrêmement agréable.
Quant aux chambres, elles sont plus grandes que des chambres d'hôtel ordinaires et bien plus luxueuses avec des cadres de lit en bois, des coiffeuses, l'eau chaude et froide, des ventilateurs électriques, le chauffage électrique, etc.
Les suites avec leurs rideaux damassés et leur mobilier en acajou sont vraiment très somptueuses et de bon goût. Je n'ai jamais eu de meilleure cabine à bord d'un bateau, et ce n'est pourtant
pas l'une des plus bellesici, avec un long couloir où je peux suspendre mes affaires et une fenêtre carrée aussi grande quddio [de Russell House] et fournissant autant de lumière.
Rien ne manque. Meubles, placards, garde-robe, coiffeuse, canapé, etc. Pas du tout l'impression d'être en mer. Tu n'as pas idée de l'immensité de ce navire ni de l'étendue et de la taille des ponts.
Le pont eembarcations offre un espace ouvert quasiment aussi long que notre court de tennis et les transats sont presque aussi larges que notre grande court. Cinq cents personnes
sur les ponts se remarquent à peine. Quelle bande de gens bizarres sur ce bateau. En consultant la liste [des passagers], je n'ai trouvé que trois ou quatre personnes que je connais,
mais il y en a aussi beaucoup qui sont "des nôtres", je crois, ainsi qu'un certain nombre d'Américaines odieuses et ostentatoires, le fléau de tous les lieux qu'elles infestent,
et c'est pire encore à bord d'un paquebot que partout ailleurs. Beaucoup d'entre elles se promènent avec des chiens minuscules et des maris qu'elles mènent comme des agneaux.
Je te dis, quand elle commence à sortir de chez elle, la femme américaine est une plaie. On devrait l'enfermer dans un harem et l'y laisser.
Oui, j'ai vécu l'enfer à Rome, et si ce genre d'histoire se reproduit, je lâche tout. Je ne veux pas perdre mon temps et y laisser mes nerfs. Je pense que Mead va démissionner.
Lily te parlera d'elle, la s..., elle sème la pagaille partout où elle passe et lui, le pauvre bougre, doit la suivre partout jour et nuit. Jai pitié de lui.
J'ai écrit depuis Paris dès le jour de notre arrivée. Je ne pouvais dire où nous descendions car j'ignorais si Lily irait au Grand [Hôtel] ou pas. Nous l'avons trouvé excellent.
A toi, toujours,
Frank
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